Samuel, pour commencer, traduisez-nous Todoben !
C’est une expression que j’ai inventée, une sorte de mantra positiviste qui peut faire allusion à « todo bien » en espagnol et « tudo bem » en portugais. Ça m’est venu pendant le premier confinement : tout partait en vrille dehors mais chez moi, tout allait plutôt bien ! C’est un moment où j’ai enfin pris le temps de réaliser des choses pour moi.
Parlez-nous justement de ce projet…
À 40 ans, je crois qu’il était temps pour moi d’exprimer des trucs personnels et voir ce dont j’étais capable en dehors de Sinsémilia. Dans ma carrière, j’ai beaucoup été au service des autres, ce qui laisse peu de place aux choix artistiques propres. Même si c’est agréable de se laisser porter par un groupe, il faut parfois se lancer… Appelons ça la maturité !
Pourquoi qualifier l’album de « cool jazz » ?
C’est toujours un problème de définir sa musique... Le piano, c’est un retour aux sources. J’ai voulu l’associer à mes influences, des mélodies et du groove, sans improvisation aussi affirmée que dans le jazz. Todoben a ce côté assez doux et agréable à écouter. Je souhaitais faire du bien, ne pas être dans la démonstration, ni dans la virtuosité, simplement inviter au voyage et à la contemplation pour sortir de ce monde assourdissant.
D’où viennent vos influences ?
De Cuba, principalement. Ce voyage a complètement changé ma vision très formatée, parfois même sectaire, forgée dans les écoles… Quand j’ai découvert l’impro dans le jazz, j’ai su que tout était possible. À Cuba, tout est hyper mélangé, il y a moins de scission entre la musique savante et la musique populaire.
Côté musique, de quel artiste vous sentez-vous proche ?
Chilly Gonzalez reste mon plaisir non coupable ! Avec Ibrahim Maalouf aussi, ce sont des musiciens qui m’inspirent énormément. Ils ont suivi un enseignement académique d’un niveau assez poussé et pourtant, notamment pour Maalouf, ce ne sont pas des concertistes classiques. Ils ont trouvé leur style avec une audace et une créativité folles. Je peux aussi citer Avishai Cohen, jazzman et contrebassiste israélien. C’est grâce à des musiciens hors cadre comme eux que le jazz touche les gens. Pour le côté délire, j’adore aussi le groupe sétois Zoufris Maracas, un mélange très réussi de musiques festives et de textes anarchistes !
Sur Todoben, vous jouez en solo et en trio…
Quand j’ai commencé à le travailler, je me suis posé la question d’être accompagné ou non. J’ai quand même sollicité des musiciens que j’appréciais. Tous m’ont fait des propositions et j’ai appelé les deux qui m’avait le plus séduit, à savoir Michel Molines (contrebassiste) et Guillaume Bertrand (batterie). Humainement, professionnellement, c’était eux. On a enregistré les 8 titres en très peu de temps. Mais ce qu’il y a d’intéressant pour moi dans ce projet, c’est qu’il peut très bien vivre en solo. Ce sera le cas à la Médiathèque de Juvignac.
Vous avez passé plus d’une décennie avec Sinsémilia, qui a fêté ses 30 ans de carrière. Que retenez-vous de cette aventure ?
Les tournées ! On est un peu comme une équipe de foot, on se déplace en bus pendant des mois ou le temps d’un week-end. Tu traverses la France, de Belfort à Marseille, en passant par la Bretagne et les Outre-mer… Et surtout, tu partages l’affiche avec les plus grands.
Comment êtes-vous arrivé à présenter votre projet en exclusivité à la Médiathèque de Juvignac ?
Je connais Aude, qui y travaille depuis peu, notamment pour avoir joué dans son groupe La Bise à Madame. Ça me semblait l’endroit idéal pour me lancer. Il faut dire que j’adore les médiathèques. Quand j’étais gamin j’y passais des heures à lire, à discuter avec le bibliothécaire... Ce sont des lieux culturels essentiels. Puis une médiathèque avec un piano au milieu des bouquins, c’est incroyable, ça ne se refuse pas !