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15 mars 2022
C’est l’événement de ce mois de mars à Juvignac : Sancko et Out of the Black qui forment le duo Sanckøblack (dans la vie et sur la scène artistique), proposent l’exposition « Sans concession » du 1er au 30 mars, à voir à l’Hôtel de Ville et à la Médiathèque. Pour mieux connaître ces deux artistes (très) engagés, on vous propose une interview elle aussi… sans concession !
Sanckøblack, pourquoi cette exposition Juvignacoise est-elle « sans concession » ?
Out of the Black : Je ne sais pas si elle l’est mais on a essayé de créer du sens avec des séries sur le thème des femmes, de la résilience, en incluant les thématiques qui nous animent. Le but est de donner à voir.
Sancko : « Sans concession », c’est avant tout parler d’un sujet. À travers cette expo, on dit simplement de ne pas fermer les yeux : on ne peut pas dire que les violences ça n’existe pas, tout comme les migrants, les discriminations, l’ère post-COVID, etc. On montre toutes ces choses pour ouvrir le débat, ou pas.
Quel est l’engagement sur lequel vous ne faites aucune concession ?
Sancko : La violence faite aux femmes ! Je ne peux plus voir ou entendre qu’il y a de nouvelles victimes. À ce stade-là, c’est de la non-assistance à personne en danger. Il y a certes des avancées en France, mais les moyens alloués sont très largement insuffisants.
Out of the Black : Je soutiens Sancko dans tous ses combats ! On peint en couple, on se retrouve sur les mêmes valeurs, sur des projets citoyens et engagés. On met un peu de légèreté sur des sujets de société qui sont lourds.
Sancko : Je trouve ça chouette d’avoir un homme à mes côtés car je me considère comme « néo-féministe » : je ne suis pas de celles qui pensent qu’il faut être contre les hommes. J’applaudis toutes celles et tous ceux qui se lèvent contre les violences faites aux femmes.
Un principe sur lequel vous ne dérogez jamais ?
Sancko : Je déteste l’injustice et l’intolérance. On peut rattraper l’injustice mais pour l’intolérance, c’est plus compliqué. J’ai moi-même été éduquée avec des valeurs que j’inculque à mes enfants.
Out of the Black : Je suis avant tout attaché à l’humain et rejette tout forme de domination : ça englobe les combats contre les discriminations et les violences. Ces principes, c’est le fil conducteur de nos engagements et de nos œuvres.
Pouvez-vous nous citer un artiste sans concession ?
Sancko : Je dirais Frida Kahlo même si elle n’appliquait pas ses principes dans sa vie personnelle ! Elle était pourtant avant-gardiste sur bien des sujets (androgynie, bisexualité, port du pantalon…) et ses combats féministes étaient vraiment sans concession. Ça prouve que tout n’est pas noir ou blanc dans ce monde, qu’il y a toujours une part de gris et de nuance même chez les artistes les plus engagés.
Out of the Black : Je ne suis pas sûr qu’un artiste puisse être sans concession, dans le sens où il y a toujours une contrainte. Chez les artistes engagés, ce qui me touche, c’est quand ils abordent les choses frontalement. Je pense notamment à Ernest Pignon-Ernest, précurseur du collage de rue : il est pour moi une référence qui allie merveilleusement humanité et engagement.
Votre film sans concession ?
Sancko : Midnight Express est un film qui me met toujours mal à l’aise dans sa manière de dire « c’est comme ça et pas autrement ! ». Je trouve qu’il y a une résonnance avec notre époque, cette façon de traiter les gens, de brider la parole…
Out of the Black : Je dirais Fight Club, un film plus générationnel avec sa conclusion qui montre l’effondrement du système capitaliste que l’on connait. On peut aussi citer Tueurs nés ou Twelve Years a Slave, qui abordent admirablement les thèmes de la violence et de la domination.
Vos goûts musicaux sont-ils aussi tranchés ?
Sancko : Actuellement j’écoute en boucle l’album « La Moyenne » de La Pietà ! Ça pourrait être la bande-son de toutes mes toiles. C’est une artiste que j’admire beaucoup, sa chanson « La fille la moins féministe de la Terre » me fait pleurer à chaque fois ! Je la jalouse un peu parce qu’elle réussit à trouver les mots que je n’arrive pas à décliner sur mes toiles.
Out of the Black : Ce que je cherche dans la musique, c’est toujours un truc sans concession, sinon ça ne me touche pas vraiment. Du coup, j’écoute le métal le plus extrême au rap le plus virulent en passant par de l’électro bien barrée !
Existe-t-il selon vous, un pays ou une ville sans concession ?
Out of the Black : On a eu la chance de découvrir Istanbul, ville bâtie entre deux continents qui n’est pas du tout représentative de son pays, la Turquie. En voyage, on ne cherche pas le côté "tranché" mais davantage un exemple de tolérance, ce qu’on a pu voir là-bas.
Sancko : À Istanbul, on a croisé des femmes en hijab à côté de punks, des quartiers où il y a très peu de femmes et d’autres où elles sont avec des hommes, une bière à la main… C’est une ville à la fois tolérante, étrange et complexe.
Quelle est votre vision de l’état actuel du monde ?
Out of the Black : Complexe mais surtout polarisé. On manque cruellement de nuance, de dialogue. Nous ne sommes plus du tout dans la subtilité, on nous vend les gentils et les méchants comme chez Disney, sauf que ça n’existe pas ! La nuance est nécessaire pour trouver un terrain d’entente avec l’autre…
Sancko : On nous pousse à se positionner pour faire parler, pour « buzzer », tu finis même par t’embrouiller avec des gens qui ont les mêmes valeurs que toi ! Il y a de moins en moins d’échanges humains, on cloisonne les esprits, tout est manichéen, on nous transforme en mouton… Pas très optimiste, hein ?
Soyons donc plus optimistes : quelle serait l’action indispensable pour un monde meilleur ?
Sancko : Se respecter ! On n’est pas obligés d’être tout le temps d’accord mais on peut en discuter. Je rêve d’un monde où on ne juge pas sans savoir, sans se questionner. Aujourd’hui on émet juste une vérité. Écoutons, regardons, communiquons : ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord qu’on est con ! Je ne comprends pas cet intérêt à diviser, à être dans cette conquête permanente.
Out of the Black : Il faut juste plus d’humanité ! Commençons par rendre hommage à toutes celles et tous ceux qu’on ne voit pas, par exemple ces personnes qui distribuent des repas le soir… Ça vaut tous les scrutins du monde.
Faites-vous vous-mêmes des concessions ?
Sancko : En amour ! Avec Pedro on est extrêmement d’accord sur le fond mais on négocie presque toujours sur la forme !
Out of the Black : Avec Sancko on se retrouve sur un système de valeurs, le fond ne change pas et le reste, c’est du détail. Nos créations sont aussi des concessions.