INTERVIEW RENCONTRES «34°C» : ASTO DANS L’ESPACE DE L’IMPASSE

EXPOSITION RENCONTRES «34°C» : NOUVEAU DÉPART POUR BELLUS

21 juin 2021

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Léo, alias « Asto », aime la géométrie dans l’espace et ça se voit dans ses œuvres ! Pour « 34°C », il va transfigurer le muret et l’escalier de l’impasse des Sauges, en bordure de l'Allée de l'Europe. En résidence artistique aux ateliers Ernest Michel de LineUp, il revient sur son parcours et calcule déjà l’impact que pourrait avoir son œuvre juvignacoise…

Asto, le graffiti, vous êtes tombé dedans quand vous étiez petit ?

Un peu oui, j’ai suivi mon grand frère qui faisait du graff. À 12-13 ans, j’ai eu ma première bombe de peinture entre les mains et j’allais m’exercer sur un terrain autorisé à Cournonterral. J’ai toujours gardé le graff comme passion, sans vraiment être transgressif : j’œuvrais sur des murs autorisés ou tolérés, comme le quai du Verdanson à Montpellier.

Vous revendiquez votre art comme faisant partie du mouvement du « graffuturisme ». De quoi s’agit-il exactement ?

C’est un terme inventé en 2010 par l’artiste américain Poesia. Avec l’explosion du graffiti « légal » dans les années 2000, on a assisté à l’émergence de graffeurs qui sont partis dans tous les sens en proposant des portraits, des formes géométriques, des typographies… Le Graffuturisme propose, en réalité, une évolution du graffiti vers un art abstrait et géométrique.

Pourquoi avoir décidé de suivre ce mouvement ?

J’ai toujours été perfectionniste dans mon graff. Un jour, en préparant quelques toiles, je me suis servi de scotch pour redessiner des lignes et me suis rendu compte que ça fonctionnait bien. Plus tard, je suis tombé sur le travail de Remi Rough et Augustine Kofie : j’ai pris une claque ! J’ai donc décidé de suivre cette voie. Comme je ne suis pas « validé » par le mouvement, je préfère dire que je suis « adepte » du Graffuturisme. Dans mes formes géométriques, j’écris toujours « Asto », c’est en quelque sorte le lien avec le graff. Je ne me considère pas vraiment comme un graffeur, ni un street artiste d’ailleurs, pour la simple et bonne raison que je ne suis pas dans la rue. On dit artiste « urbain » car en général il y a le mur qui va avec.

« Ce qui est intéressant dans l'anamorphose, c’est que selon les points de vue, l’œuvre n’a pas une seule lecture, mais une infinité.

Quid de la scie, cet objet que vous aimez transformer en œuvre d’art ?

J’aime bien le côté agressif et tranchant de l’objet, que j’adoucis à l’aide de couleurs pastel. J’aime aussi le côté « upcycling » : la scie récupérée va avoir une seconde vie en tant qu’œuvre d’art. C’est un peu devenu mon produit phare.

Les objets, la sculpture… Ce sont des pistes d’évolution artistique pour vous ?

Dans mes toiles, j’essaie de proposer toujours plus de relief, de 3D ou de « fausse 3D », sous-entendu l’illusion d’optique de volume. Je souhaite continuer dans cette voie, mais sur différents supports : murs, toiles, objets… Depuis peu, je me suis mis à la sculpture. En 2019, j’ai fabriqué les trophées du Gala des ambassadeurs d’Occitanie. Aller vers d’autres univers est toujours stimulant.

Dans vos œuvres, l’anamorphose semble aussi de plus en plus prégnante…

Ce procédé m’attire beaucoup. Regardez les œuvres de Sweo & Nikita à Odysseum, ça fonctionne tellement bien ! Lors du festival LaBel Valette en 2017, j’ai réalisé ma première anamorphose dans un couloir sur quatre plans. L’expérience m’a beaucoup plu. Plus tard, j’ai renouvelé ce plaisir de l’anamorphose à Villejuif pour une œuvre collective, qui a été lauréate du prix « 1 immeuble, 1 œuvre » décerné par le Ministère de la Culture. J’aimerais continuer de travailler l’anamorphose géométrique, dans la veine de ce que font Felice Varini ou Georges Rousse, qui sont pour moi les meilleurs dans ce domaine. Récemment, j’en ai fait une dans un espace de coworking d’avocats à Montpellier… et la prochaine sera pour Juvignac !

Justement, à Juvignac, vous allez transfigurer le muret et l’escalier de l’impasse des Sauges. Quelle est votre intention créative ?

Cet endroit, avec les trois murs, se prête bien à l’anamorphose. Ce qui est intéressant ici, c’est que selon les points de vue, l’œuvre n’aura pas une seule lecture, mais une infinité. C’est un challenge, je veux vraiment que cette anamorphose questionne les gens. Côté dessin, ce sera bien sûr des formes géométriques et des entremêlements de couleurs !

Que pensez-vous de ces Rencontres d’art urbain organisées à Juvignac ?

Que des communes s’emparent de l’art urbain et mettent en avant des artistes, c’est très positif. Vous connaissez Decazeville dans l’Aveyron ? Son Festival de street art et son parcours permanent « Mur Murs » ? L’artiste Astro, que j’aime beaucoup, y a réalisé des œuvres monumentales. Du coup, pour les admirer, les gens s’arrêtent à Decazeville ! L’art participe aussi à l’attractivité d’une ville, il existe bel et bien un « tourisme street art ». 34°C, c’est aussi une belle vitrine pour Juvignac.

Que vous apporte une association comme LineUp, que vous avez rejoint récemment ?

Dans un projet comme celui de 34°C à Juvignac, LineUp assure la direction artistique et va par exemple être en mesure d’associer un artiste à un endroit particulier. L’association gère les appels à projets, développe un réseau... Elle mène un gros travail qui facilite vraiment la vie des artistes. Je suis aussi en résidence artistique dans leurs ateliers Ernest Michel à Montpellier, ce qui me permet d’avoir un espace de travail.

Vivez-vous de votre art aujourd’hui ?

Pour l’heure, j’ai un travail qui me permet de continuer mes activités artistiques. Pour mon intervention à Juvignac, j’ai par exemple pris une semaine de vacances. Je m’adapte pour concilier vie professionnelle et projets artistiques. La peinture reste une priorité. En vivre et me professionnaliser, c’est un horizon que je me suis fixé.

Comment voyez-vous l’avenir de l’art urbain et du Graffuturisme ?

C’est enthousiasmant de voir que ce milieu bouge et évolue partout, autour de nous, à Montpellier, en France, à l’international. Ça fait dix ans que je pratique et quand je vois que cette émulation mondiale est continue, je me demande où elle va s’arrêter ! On a la chance aujourd’hui de pouvoir admirer des artistes et des œuvres incroyables. Je pense à celle de JR au Louvre, à celle de Felice Varini sur la Cité de Carcassonne, aux motifs colorés d’Okuda ou encore aux illusions d’optiques fascinantes de Felipe Pantone, la star de l’art géométrique.